De nouvelles économies à réaliser
L’affaire semblait entendue : l’Assemblée Nationale ayant refusé, en octobre dernier, d’adopter le projet de loi de programmation des finances publiques, il appartenait au Gouvernement de transmettre le projet non adopté au Sénat. Le texte avait alors connu plusieurs modifications importantes. Malheureusement, les travaux de la Commission mixte paritaire n’avaient débouché sur rien en décembre dernier. De nouvelles économies restaient donc à réaliser !
Des conséquences redoutables
Cette impasse législative mettait en évidence deux situations bien distinctes :
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D’une part, c’était la première fois que l’État n’était pas doté d’une loi de programmation des finances publiques. L’État a donc fait adopter sa première loi de finances 2023 sans cet instrument juridique de référence. Nous nous trouvons donc dans un entre deux chronologique qui illustre à merveille l’impasse parlementaire dans laquelle se trouve l’État ;
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D’autre part, en n’ayant pas adopté ce document cadre, la France subit deux conséquences dommageables pour ses finances : elle ne percevra pas tout d’abord 11 milliards € de fonds européens au titre du plan de relance. Elle subit ensuite un énième déclassement financier par Fitch.
Une situation budgétaire dégradée
Le Président de la Cour des Comptes peut le répéter à l’envi, la situation budgétaire dégradée des finances publiques françaises appelle une réaction collective des élus pour redresser la situation. Le diagnostic est assez facile à faire :
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Déficit budgétaire > 3 % du PIB ;
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Endettement > 60 % PIB (nous sommes aux alentours des 120 %).
Le chemin de retour à l’équilibre avait été proposé aux trois acteurs que sont l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales. Le problème était que le niveau d’effort budgétaire ne semblait pas équitablement réparti entre les trois acteurs. Pire : l’acteur le moins vertueux s’arrogeait le droit de contrôler les deux acteurs les moins gourmands. Conscients des difficultés que génèrerait ce projet de loi de programmation, les élus ont refusé de discuter cette première mouture.
Pour autant, refuser de discuter ne permet pas de tracer une solution de sauvetage. Même si aucune majorité ne se dégage de ces deux assemblées des efforts de compromis s’imposent à nous tous. L’effort serait acceptable si l’État n’arrivait pas en salle de discussion en ayant déjà posé les axes budgétaires qu’il s’autorise. Il appartiendra aux deux autres acteurs de servir de variable d’ajustement des choix faits par l’État.
Quelle stratégie suivre ?
Quels sont les choix que l’État se doit de sauvegarder : l’éducation, la santé, l’écologie et la défense.
Ces quatre axes de travail, pour importants qu’ils soient, devront trouver un mode de financement bien spécifique. Plusieurs pistes peuvent être privilégiées :
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La stratégie du désendettement : notre pays connaît un niveau d’endettement voisin de 120 % de notre PIB. De par les traités européens, il appartient à la France de revenir à terme au seuil de 60 % de PIB. Il est clair que compte tenu des engagements que l’État a pris dans le passé, un retour réaliste à ce niveau ne pourra pas s’envisager avant une quinzaine d’année et sans projet d’investissement. La France peut-elle attendre les calendes grecques pour commencer à investir de nouveau ?
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La stratégie de croissance : une croissance vigoureuse de l’économie est synonyme de rentrées fiscales abondantes. Pour pouvoir en profiter, faut-il que la conjoncture internationale soit porteuse. Tel n’est pas le cas actuellement avec les difficultés générées par la reprise de l’inflation depuis janvier 2022. Envisager une relance française de l’économie pour atteindre cet objectif viendrait en rupture avec la fin du quoi qu’il en coûte. Le niveau de dette accumulé ne permet plus de poursuivre dans cette direction.
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Ajuster l’évolution des dépenses à celle des recettes. Cette politique d’ajustement constitue le crédo européen. Le but de cette politique sera de dé corréler la dynamique des dépenses à celle des recettes. Si le Gouvernement a engagé un certain nombre de réformes en matière de dépenses (freinage des salaires, réforme de l’indemnisation du chômage, libéralisation des transports), les gains obtenus ont été ruinés avec les réformes fiscales coûteuses. Si nous avons engagé ces politiques de moindres recettes dans l’espoir d’en dégager de meilleures, l’espoir est bien douché. Ce n’est pas la tentative d’accroître les contrôles fiscaux qui permettra de générer des recettes par milliards d’euros.
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Abandonner les dépenses inutiles ou sans rendement : beaucoup de choses ont été évoquées quand les élus devaient se prononcer sur l’abandon des dépenses fiscales inutiles ou sans rendement. Certaines taxes ont été supprimées dans l’espoir de supprimer certaines dépenses. Des mesures de soutien dans le logement ou en faveur des DOM-TOM ont montré leurs limites. Si le coût de ces mesures était très important, la volonté politique a manqué. Si déjà ces mesures ne peuvent pas être supprimées, il n’était pas nécessaire d’aggraver la situation budgétaire en ajoutant une mesure en faveur du décile de population très favorisé. Le Président actuel peut sembler avoir entendu les reproches de la population. Il aura du mal à expliquer aux gens que sa réforme fiscale a réellement profité à l’économie ou au rétablissement du budget de la France.
Des solutions à trouver dans un cadre bien précis
Les choix opérés dans le passé par l’État sont des décisions de l’État. Les autres partenaires que sont les collectivités locales ou la sécurité sociale ne doivent pas être pris en otage car bien souvent la décision a été prise sans réelle concertation. Si un effort doit être fait et décidé lors de la convention du mois de juin prochain, il faudra que le Gouvernement comprenne que rien ne pourra se décider sans un accord d’efforts réciproques. C’est le tout nouveau défi auquel devra s’atteler le Gouvernement. Choisir de passer en force est possible mais les mesures choisies devront faire apparaître les avantages que nous pourrons collectivement retirer. Ce n’est pas acquis car nos Gouvernants aiment bien les tours d’ivoire. Ils sont aussi dotés de facultés d’oubli assez ahurissantes.
A voir donc et surtout gardons-nous de tout jugement partial. Qui sait ? Peut-être que cette convention de juin débouchera sur une prise de conscience salutaire.
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